Les résultats de l’occupation de près de quatre semaines dans les rues d’Ottawa sont clairs, ce qui rendent les répercussions durables de cette crise encore plus difficiles à voir. Les personnes qui se butent à des problèmes de santé mentale, d’isolement social et d’insécurité financière continuent de ressentir ces répercussions à long terme.
Répercussions cachées
Centraide de l’Est de l’Ontario travaille étroitement avec plus de 35 partenaires de services sociaux pour appuyer le personnel et les client(e)s qui ont vécu des niveaux de traumatisme, de peur et d’anxiété accrus pendant l’occupation de 24 jours.
En discutant avec nos partenaires du centre-ville et des alentours de celui-ci, nous avons entendu dire que :
- les personnes marginalisées et vulnérables, ainsi que celles qui les appuient, ont été harcelées par les membres de l’occupation;
- les personnes à mobilité réduite vivant au centre-ville sont devenues isolées;
- l’accès aux services alimentaires et sociaux sont de plus en plus difficile en raison du manque d’options de transport au centre-ville;
- les résident(e)s avaient peur d’être confronté(e)s par les personnes qui participaient à l’occupation, tant en dehors de leur domicile que de leur refuge;
- la demande de services a augmenté en raison de l’occupation; nos partenaires sont à court de personnel et de ressources financières.
Nous savons que les personnes qui vivent un traumatisme important peuvent souffrir d’anxiété, de nervosité, de dépression, de crises de panique et de trouble de stress post-traumatiquei dans les semaines ou les mois qui suivent une telle situation de criseii. Une vraie récupération nécessitera du temps.
Les personnes les plus à risque et les raisons pour lesquelles elles le sont
Le secteur des services communautaires du centre-ville d’Ottawa appuie bon nombre des personnes les plus vulnérables de notre région; plusieurs de ces personnes ont des antécédents de traumatismes et l’atmosphère agressive de l’occupation a aggravé la situation.
Habitant(e)s | |||||||
Lieu | Population d’aîné(e)s (65 ans et +) | Score de vulnérabilité des aîné(e)s (sur 10) | Enfants de 0 à 14 ans (en %) | Jeunes de 14 à 24 ans (en %) | Personnes autochtones (en %) | Désavantages socioéconomiques importants (sur 5) | Prévalence de faible revenu |
Centre-ville ouest | 15 % | 10 | 11 % | 12,70 % | 2,60 % | 5 | 28,20 % |
Centre-ville | 12,20 % | 9,6 | 5,50 % | 13,50 % | 3,10 % | 3 | 20,80 % |
Marché By | 15,10 % | 6,2 | 4,40 % | 14,10 % | 2,40 % | 3 | 19,20 % |
Basse-ville | 17,50 % | 10 | 12,30 % | 15,50 % | 3,20 % | 5 | 39,20 % |
Source : recensement de 2016
Les personnes directement ou sévèrement affectées par l’occupation ont une prévalence de stress post-traumatique élevée après une situation de criseiii, y compris les secouristesiv, les femmesv, les enfants et les jeunesvi, les personnes âgéesvii et les personnes qui ont un trouble psychiatrique connexe ou préexistentviii, ainsi que les personnes qui ont déjà vécu des événements traumatisantsix.
Les personnes issues de ménages à faible revenu ont tendance à avoir plus de difficulté à accéder aux ressources de santé mentale. Elles sont aussi plus susceptibles d’exhiber des symptômes psychologiques négatifs à la suite de situations de crisex.
Certains des résident(e)s qui nécessitaient peut-être des services sociaux avant l’occupation avaient maintenant peur de quitter leur domicile pour les obtenir ou devaient trouver à nouveau le courage de demander de l’aide.
En plus de devoir vivre les traumatismes émotif et mental de l’occupation, les partenaires de services sociaux – qui éprouvent déjà des difficultés financières – ont dû embaucher des services de transport et de sécurité pour protéger leur personnel et leurs client(e)s. Bien que Centraide ait aidé à absorber certains de ces frais supplémentaires, plusieurs agences auront besoin de temps pour s’en remettre pleinement sur le plan financier.
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Grand nombre de partenaires se disent épuisés; ils doivent répondre aux besoins croissants de la communauté et n’ont pas le personnel ni les bénévoles nécessaires pour le faire en raison de la COVID-19 même avant l’arrivée du convoi. Ces problèmes de longue date ont été exacerbés par une autre situation de crise.
Nos communautés doivent avoir accès à des services de soutien social et émotif, non seulement dans les semaines qui suivent une situation de crise importante, mais aussi pendant des mois à venir.
Demande de services constamment à la hausse
Le nombre de personnes qui cherchent à obtenir des services de santé mentale après un événement important – comme dans le cas de l’occupation du centre-ville d’Ottawa – monte généralement en flèche.
En 2018, lorsque six tornades ont ravagé des quartiers d’Ottawa et les communautés avoisinantes de la ville, une majeure partie de la réponse de Centraide visait à adresser les répercussions en santé mentale à long terme du désastre. Grâce à nos donateurs et donatrices, nous avons investi près de 500 000 $ dans des services de counseling, des lignes d’écoute en situation de crise et d’autres services de soutien en matière de santé mentale pour les personnes victimes d’un traumatisme dans les communautés touchées.
Selon les intervenant(e)s du Centre de détresse d’Ottawa et la région, un appel, clavardage et texto sur trois portait sur l’arrivée du convoi dans les rues d’Ottawa.
« [Traduction libre] Après la première semaine de l’occupation, les niveaux de stress et de crise ont augmenté considérablement. Près de la moitié des résident(e)s avec lesquels nous discuté vivaient une situation de détresse ou de crise. Les résident(e)s aux prises avec des problèmes de santé mentale, comme des troubles de panique, des phobies, un trouble de stress post-traumatique, des troubles psychotiques ou de schizophrénie, étaient à présent grandement affectés par les démonstrations. Au total, 12 % des client(e)s étaient si désemparés par les événements qu’ils ont contemplé le suicide. »
Centre de détresse d’Ottawa et la région
Les services de soutien en santé mentale étaient nécessaires pendant la crise et les jours qui l’ont suivi. D’autres personnes ressentiront uniquement les répercussions de ce traumatisme émotionnel sévère dans les mois qui suivent la crise et devront demander de l’aide.
Résilience : des voisins qui s’entraident
Centraide continue d’amplifier la voix de ses partenaires de services sociaux en mettant en évidence les difficultés aggravées par l’occupation.
Nous reconnaissons pourvoir mieux répondre aux besoins de notre communauté lorsque nous travaillons ensemble. En rassemblant toutes les agences affectées par le convoi dans les rues d’Ottawa, nous appuyons un réseau de personnes et d’organisations aux convictions semblables qui s’entraident pour traverser cette situation de crise.
Des services – comme le 211 – ont aider les fournisseurs de services sociaux en organisant des services de transport essentiels et des services alimentaires pour leurs client(e)s. D’autres ont pu partager des pratiques exemplaires en cette période difficile.
Après l’occupation, plusieurs résident(e)s s’efforcent d’appuyer les entreprises qui ont encore plus été affectées par le convoi.
Même si les rues sont à présent libres et que nous avons adressé les besoins urgents, les gens risquent – et ont une tendance naturelle – d’aller de l’avant. Les gens auront tendance à penser aux histoires positives qui ont suivi un désastre, à se dire que tout va bien et que le travail est terminé, et à reprendre un rythme de vie normal.
Ce peut être vrai à un moment donné, mais il peut s’écouler des mois, voire des années, avant que cela puisse arriver.
Le futur
Les résident(e)s vivant au centre-ville d’Ottawa et aux alentours de celui-ci continueront de ressentir les répercussions de l’occupation à long terme longtemps après que nous aurons pu adresser les besoins de la crise immédiate. C’est notamment le cas des personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les femmes, les jeunes itinérants, les personnes handicapées, les personnes aux prises avec un trouble psychiatrique connexe ou préexistant, les personnes qui ont déjà vécu un traumatisme, ainsi que les personnes et les familles à faible revenu.
L’accès stable aux services sociaux et de soutien en santé mentale est essentiel aux personnes et aux familles qui souhaitent rebâtir leur vie, leur communauté et leur bien-être à long terme.
Centraide rassemble depuis longtemps le soutien financier de donateurs et donatrices pour aider les personnes les plus vulnérables. Nous ne faisons pas qu’amasser des fonds, nous les attribuons là où ils auront l’effet le plus palpable. Notre réaction aux situations de crise témoigne de la robustesse de notre travail de recherche, de convocation, de défense d’intérêt, d’investissement et de collecte de fonds. Ces efforts, lorsque combinés, nous permettent d’améliorer les conditions de vie des gens dans le besoin.
[i] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
Voir aussi Madakasira, S. et O’Brien, K.F. (1987). Acute posttraumatic stress disorder in victims of a natural disaster. Journal of Nervous and Mental Disease. 175(5), 286-290. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3572380
[ii] La Greca, A., Silverman, W.K., Vernberg, E.M. et Prinstein M.J. (Août 1996). Symptoms of posttraumatic stress in children after Hurricane Andrew: a prospective study. Journal of Consulting and Clinical Psychology. 64(4), 712-723. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8803361/
Voir aussi Freedy, John R. et Simpson, W.M. (Mars 2007) Disaster-Related Physical and Mental Health: A Role for the Family Physician. American Family Physician. 75(6), 841-846. https://www.aafp.org/afp/2007/0315/p841.html
[iii] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[iv] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[v] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[vi] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[vii] Paul, L.A., Felton, J.W., Adams, A.W., Welsh, K., Miller, S. et Ruggiero, K.J. (Juin 2015) Mental Health Among Adolescents Exposed to a Tornado: The Influence of Social Support and its Interactions with Socio-Demographic Characteristics and Disaster Exposure. Journal of Traumatic Stress. 28(3), 232-239. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4465037/
Les auteurs et autrices remarquent que les jeunes particulièrement à risque d’angoisses consécutives aux catastrophes, car ils sont moins équipés pour affronter ces catastrophes que les adultes, notamment en raison de capacités d’adaptation moins bien développées et du manque de ressources matérielles et sociales. Voir Garnefski, N., Legerstee, J., Kraaij, V., van den Kommer, T. et Teerds, J. (2002) Cognitive coping strategies and symptoms of depression and anxiety: A comparison between adolescents and adults. Journal of Adolescence. 25: 603-611
Voir aussi Alonzo, B. (s.d.) What Are the Long-Term Effects of Tornadoes? Sciencing. https://sciencing.com/longterm-effects-tornadoes-12321830.html
Voir aussi Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
Voir aussi La Greca, A., Silverman, W.K., Vernberg, E.M. et Prinstein, M.J. (Août 1996) Symptoms of posttraumatic stress in children after Hurricane Andrew: a prospective study. Journal of Consulting Clinial Psychology. 64(4), 712-723. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8803361
[viii] Phifer, James F. (Septembre 1990) Psychological distress and somatic symptoms after natural disaster: Differential vulnerability among older adults. Psychology and Aging. 5(3), 412-420. http://psycnet.apa.org/buy/1991-01336-001
[ix] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[x] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[xi] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[xii] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (Juillet 2005) The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813