Au cours des deux derniers mois et demi, nous avons constaté que les défis sociaux auxquels les gens font régulièrement face n’ont pas disparu avec l’arrivée de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19).
Respecter les normes d’éloignement physique n’est pas chose facile pour nos communautés, et peut-être encore moins pour les jeunes de notre région. En effet, ils ont été privés de leurs relations sociales, à un moment où elles sont des plus importantes pour leur développement personnel, leur bien-être et leur estime de soi. Ils n’ont plus de rapports avec leurs mentors, leurs professeurs, leurs modèles et leurs amis. Les jeunes qui vivent dans la pauvreté ne peuvent pas poursuivre leurs études ni communiquer avec leurs pairs car ils n’ont pas accès à un ordinateur.
En général, les professionnels travaillant avec des jeunes ont déjà constaté des tendances troublantes auprès de ce groupe : déclin de la santé mentale, disparités en matière d’éducation, et usage et abus de substance chez les jeunes les plus vulnérables.
À mesure que la pandémie commence à se stabiliser pour les communautés canadiennes et que les entreprises de l’Ontario envisagent de rouvrir leurs portes et d’adapter leurs services, le secteur des services sociaux planifie son prochain coup : Comment appuierons-nous les jeunes dans les phases à venir, soit après le pic de la pandémie et de la relance?
Michael Allen
Président et chef de la direction
Centraide de l’Est de l’Ontario
Depuis plusieurs mois, Centraide de l’Est de l’Ontario participe à un groupe de discussion avec des autorités de santé publique, des municipalités, des agences de services sociaux de première ligne, des partenaires commerciaux et plusieurs autres intervenants. Tout comme nous l’avons fait par le passé avec nos communautés, nous sommes venus en aide aux réfugiés de la crise en Syrie, aux victimes des tornades de 2018 et aux victimes des inondations de 2019. En effet, nous travaillons de façon acharnée pour appuyer les personnes les plus vulnérables en cette période sans précédent.
Cette semaine, le groupe de discussion a accueilli des chefs de file du secteur communautaire qui travaillent, depuis les trois derniers mois, avec des jeunes qui souhaitent réintégrer avec succès leur communauté à mesure que nous nous adaptons à cette nouvelle normalité. Karen Kennedy de l’Initiative pour les enfants et les jeunes à Ottawa (OCYI); Brett Reynolds du Ottawa-Carleton District School Board (OCDSB); Rachel Roth du YAK Youth Centre; Marisa Moher des Services d’appui à la jeunesse youturn; et Susan Ingram de Grands Frères Grandes Sœurs d’Ottawa (GFGSO); ont partagé les leçons qu’ils ont tirées, notamment en ce qui a trait à l’adaptation des jeunes et de leur soutien au cours des prochains mois.
Nous avons également accueilli des représentants élus des administrations fédérale, provinciales et municipale, comme Marie‑France Lalonde, députée de la circonscription d’Orléans; Jeremy Roberts, député provincial de la circonscription d’Ottawa-Ouest—Nepean; et Laura Dudas, conseillère municipale du quartier Innes et mairesse suppléante de la Ville d’Ottawa. Il s’agit d’auditeurs attentifs qui joueront un rôle important lorsque nous abordons problèmes, réussites et préoccupations avec les niveaux supérieurs, et ce, aux fins de considérations et de changements politiques.
Comment les familles et les jeunes se portent-ils?
Au début de la pandémie, les organisations destinées aux jeunes se concentraient sur les besoins urgents des jeunes de nos communautés : ont-ils un endroit sécuritaire où rester? Ont-ils de quoi à manger? C’est pourquoi l’OCDSB a livré plus de 11 000 Chromebook et 1 200 bornes d’accès WiFi aux jeunes d’Ottawa et d’ailleurs afin qu’ils puissent poursuivre leurs études et demeurer en contact avec les autres. De plus, l’OCDSB collabore avec la Croix Rouge canadienne et le Groupe de travail sur les besoins humains de la Ville d’Ottawa pour visiter les demeures des étudiants avec lesquels ils ne peuvent entrer en contact pour vérifier leur sécurité et répondre à leurs besoins.
« Tous nos étudiants éprouvent un certain sentiment de perte, peu importe s’il s’agit de la perte de leurs pairs, de l’apprentissage, des liens qu’ils établissent avec des adultes attentifs, du revenu, d’une stabilité à domicile ou de l’approvisionnement en nourriture. »
- Brett Reynolds, Ottawa-Carleton District School Board
Après trois mois, nous nous soucions de l’incidence à long terme de la COVID-19. Plusieurs jeunes ont besoin de liens en personne. Ils s’ennuient de leurs amis. Lorsqu’il y a des conflits familiaux, les jeunes se sentent déconnectés des adultes en qui ils ont confiance et avec lesquels ils peuvent partager leurs frustrations.
Recueillir des renseignements
« Les enfants ne sont pas que de petits adultes, et nous ne pouvons adapter les programmes de soutien en matière de santé mentale ou liés à la COVID-19 pour adultes et les leur offrir. Nous devons leur donner des réponses particulières. »
- Karen Kennedy, Initiative pour les enfants et les jeunes à Ottawa
Pour nous assurer de répondre aux besoins de ces jeunes gens lorsque les défis auxquels ils font face évoluent, les partenaires du groupe de discussion ont partagé comment les données et les renseignements obtenue définiront leurs approches.
- L’OCDSB a envoyé des invitations d’échange de renseignements à 7 000 parents et étudiants en vue d’en apprendre davantage sur leurs expériences, notamment en matière d’apprentissage à domicile, de santé mentale et de dynamique familiale.
- Le YAK Youth Centre fait le suivi des appels reçus par sa ligne d’écoute téléphonique pour jeunes afin de découvrir où résident les jeunes en difficulté et de déterminer comment intervenir dans des circonstances dangereuses, comme les suicides et les situations de violence familiale.
- Le centre youturn fait le suivi du sondage qu’il a envoyé à ses clients pour évaluer la santé mentale et le bien-être des jeunes, leur consommation, leur rechute, la relation qu’ils ont avec leurs parents, ainsi que leurs impressions à l’égard de l’éducation.
Quels sont les risques accrus auxquels les jeunes devront faire face à long terme?
Sécurité et stabilité
Tous les partenaires s’inquiètent de la sécurité des jeunes avec lesquels ils travaillent.
Ces jeunes sont déconnectés des ressources communautaires auxquelles ils avaient accès avant la pandémie, et cette déconnection est mutuelle. Maintenant, les jeunes qui pourraient être victimes de violence, souffrir de toxicomanie, connaître un retard scolaire ou rester en proie de sérieux problèmes de santé mentale n’arrivent pas à communiquer avec les adultes en qui ils ont confiance hors du domicile familial. L’accès à l’Internet à la maison a fortement augmenté, ce qui veut dire que bon nombre de jeunes à risque de faire l’objet de commerce illicite ou d’adopter des comportements dangereux en ligne.
Lorsqu’il est impossible de garder contact avec les jeunes, nous devons relever les occasions qui nous permettent d’intervenir et de les aider.
C’est pourquoi nous restons attentifs aux façons dont nous pouvons rétablir un contact individuel avec ces jeunes.
Éducation
Les enfants en maternelle et en première année sont à un moment crucial de leur vie; l’apprentissage linguistique, l’alphabétisation et le calcul sont des compétences essentielles au reste de leur éducation. Les parents qui ont plus d’un emploi et qui n’ont pas beaucoup de temps pour enseigner à leur enfant constateront un écart de réussite à leur retour à l’école. En tant que secteur, nous devons être prêt à relever de tels défis.
Pour les autres étudiants, le retour à l’école n’est pas clair. L’OCDSB reconnait qu’il doit se préparer au retour à l’école en septembre, et que celui-ci, y compris le transport scolaire, seront différents des années précédentes. Le conseil scolaire anticipe commencer à accepter certains jeunes en personne, et poursuivre l’éducation à distance pour répondre aux besoins des étudiants.
Les programmes du domaine ciblé « Heures critiques », qui offrent notamment du mentorat, des programmes parascolaires, de l’aide aux devoirs à distance et d’autres ressources, sont importants pour les jeunes. Ils leur permettent de garder contact et de demeurer engagés socialement et éducativement en cette période de transition.
Santé mentale
En fait, 65 % des jeunes agés de 15 à 24 ans estiment que leur santé mentale est bien moins bonne depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Le YAK Youth Centre a modifié les tâches de ses employés de sorte qu’ils puissent prolonger les heures d’ouverture de leur ligne d’écoute téléphonique pour jeunes pendant la COVID-19. Depuis le début de cette pandémie, ils ont connu une hausse des appels relatifs au suicide; le personnel doit réagir rapidement.
Le centre Youturn confirme que 90 % de ses clients estiment avoir une moins bonne santé mentale qu’avant la crise sanitaire. De plus, les deux organisations l’ont constaté : les jeunes consomment plus d’alcool et de drogues, ont plus de conflits familiaux et se sentent déconnectés de l’école.
Tous les partenaires ont constaté que les rapports individuels et en personne avec les jeunes ont une plus grande incidence que les relations électroniques. C’est pourquoi le secteur cherche à trouver des façons de rétablir les liens entre les jeunes s’engage alors à trouver des façons pour rétablir de solides liens entre les jeunes à mesure que la province allège ses restrictions.
Miser sur la collaboration
Les partenaires ont discuté des occasions nées de la COVID-19 lorsque nous avons rapidement dû passer aux programmes numériques. Les conseils scolaires, eux, en ont profité pour renforcer les capacités professionnelles des enseignants et des autres membres du personnel, de sorte à mieux aider les jeunes pendant la pandémie et après celle-ci.
GFGSO a discuté de la valeur du mentorat lorsque nous devons respecter les normes d’éloignement physique. Lorsque les jeunes ont des problèmes à la maison ou ils y sont stressés, les liens qu’ils établissent avec un adulte de confiance sont utiles, surtout pour l’apprentissage, le leadership et la résilience.
Ces nouvelles vulnérabilités permettent aux organisations de collaborer pour combler les écarts et former des partenariats qui se renforceront longtemps après la pandémie.
Penser à l’avenir
À mesure que nous affrontons les défis de la phase suivant le pic de la pandémie, nous devons continuer d’évaluer nos efforts. Nous nous engageons à continuer d’offrir une réponse de qualité en sachant que ces enjeux continueront de se faire ressentir pendant des mois encore.
Les jeunes ont besoin d’attention et de soutien indéfectible. Au sens large, ils éprouvent plus de difficultés que les autres groupes, et auront besoin d’une aide précieuse à mesure que nous nous habituons à cette « nouvelle normalité ».
Notre mission? Collaborer et utiliser nos ressources de façons créative et efficace pour répondre aux besoins les plus pressants de nos communautés, maintenant et dans le futur.
Au début du mois de mars, Centraide de l’Est de l’Ontario, en partenariat avec Santé publique Ottawa et des douzaines d’organismes du secteur communautaire, a lancé une initiative visant à aider les personnes les plus vulnérables pendant la pandémie de la COVID-19 qui afflige notre région. Ce partenariat nous a permis de résoudre des problèmes locaux, de prioriser les besoins et surtout, de collaborer. Pour en apprendre plus sur les façons d’appuyer l’initiative ou pour obtenir de l’aide de services communautaires, consultez le centraideeocovid19.ca/.