Au cours des trois derniers mois, nous avons constaté que les défis sociaux auxquels les gens font régulièrement face n’ont pas disparu avec l’arrivée de la COVID-19. Dans plusieurs cas, ces défis ont empiré; nous avons dû faire preuve d’innovation pour nous assurer que les personnes les plus vulnérables ne sont pas laissées pour compte.
La COVID-19 a eu un impact sans précédent sur nos communautés et les personnes les plus vulnérables. Toutefois, la pandémie n’est pas une expérience universelle. En effet, les groupes marginalisés avant la COVID-19, comme les PANDC; les femmes et les communautés LGBTQ+; connaissent des pressions plus intenses.
À mesure que la pandémie commence à se stabiliser pour les communautés de notre région et que les entreprises rouvrent leurs portes et adaptent leurs services, le secteur des services sociaux planifie son prochain coup pour appuyer les personnes les plus marginalisées.
Depuis plusieurs mois, Centraide de l’Est de l’Ontario participe à un groupe de discussion avec des autorités de santé publique, des municipalités, des agences de services sociaux de première ligne, des partenaires commerciaux et plusieurs autres intervenants, pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables de nos régions en cette période sans précédent.

Michael Allen
Président et chef de la direction
Centraide de l’Est de l’Ontario
Cette semaine, le groupe de discussion a accueilli des chefs de file du secteur communautaire, comme la Dre Vera Etches; Marino Francispillai de Santé publique Ottawa; Sawsan Al-Refaei, spécialiste de l’équité des femmes et des genres de la Ville d’Ottawa; Suzanne Obiorah du Centre de santé communautaire Somerset Ouest; Karen Green de l’Ottawa Aboriginal Coalition; Dianne Urquhart du Conseil de planification sociale d’Ottawa; et Faduma Yusuf de la Maison communautaire Britannia Woods. Les participants ont partagé leurs points de vue, qui explique comment la COVID-19 a eu une incidence encore plus considérable sur les communautés sexospécifiques et racialisées. Les participants ont également fourni des conseils sur les façons dont nous pouvons mieux appuyer ces communautés dans les mois à venir.
Nous comptions, encore une fois, des représentants élus des administrations fédérale, provinciales et municipale, comme Rawlson King, conseiller municipal du quartier 13 (RideauRockcliffe); Jeremy Roberts, député provincial de la circonscription d’Ottawa-Ouest—Nepean; et Laura Dudas, conseillère municipale du quartier Innes et mairesse suppléante de la Ville d’Ottawa. Il s’agit d’auditeurs attentifs qui joueront un rôle important lorsque nous abordons problèmes, réussites et préoccupations avec les niveaux supérieurs, et ce, aux fins de considérations et de changements politiques.
Compréhension des inégalités en matière de risque
Au début de la pandémie, le secteur se concentrait sur les besoins urgents de nos communautés. Il a réagi rapidement pour assurer la sécurité alimentaire des gens et leur offrir un abri sûr. Toutefois, sans surprise pour ceux qui travaillent quotidiennement avec les communautés marginalisées, une chose était claire : les mesures d’éloignement physique nous affectent tous différemment.
Plusieurs facteurs aggravent les inégalités auxquels nous faisons face.
Par exemple, en prenant en compte le sexe, la race, l’identité sexuelle, la géographie ou le statut socioéconomique des gens, nous pouvons mieux comprendre les risques auxquels les personnes marginalisées font face et les aider de façon appropriée.
Incidence de la COVID-19 plus importante chez les femmes
Sawsan Al-Refaei, spécialiste de l’équité des felles et des genres de la Ville d’Ottawa, a expliqué au groupe comment l’écart de genre s’est amplifié depuis le début de la pandémie.
Elle a mentionné que les femmes, particulièrement celles de couleur, œuvrent disproportionnellement à titre de traiteuses, de préposées à la caisse ou au nettoyage, de commis et de personnes soignantes; ces rôles les rendent plus susceptibles de contracter la COVID-19.
« Les femmes sont disproportionnellement représentées chez le personnel soignant. Il s’agit de mères qui prennent soin de personnes handicapées ou de personnes âgées à la maison, tâches qui décuplent leur fardeau. »
— Sawsan Al-Refaei
Nous savons que les immigrantes et les femmes nouvellement arrivées au pays sont plus susceptibles d’être isolées socialement, de souffrir d’insécurité alimentaire et d’avoir des difficultés financières. De plus, les obstacles linguistiques et les traumatismes antérieurs rendent souvent les choses plus difficiles, les empêchent d’obtenir de l’aide et pourraient occasionner une mauvaise santé mentale et physique.
Racisme : déterminant social de la santé
Suzanne Obiorah du Centre de santé communautaire Somerset Ouest, a lu un passage d’un rapport de 2017 (en anglais seulement), diffusé par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies :
« [traduction libre] L’histoire nous montre que le racisme anti-Noirs et les stéréotypes racistes profondément ancrés dans les politiques et les pratiques institutionnelles, dans leur forme systémique et institutionnelle, sont fonctionnellement normalisées ou rendues invisibles. »
Rapport du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine sur sa mission au Canada du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies
Elle a ensuite expliqué au groupe de discussion comment le racisme systémique constitue une injustice supplémentaire dans nos communautés pendant la pandémie.
« Les quartiers ayant une plus grande diversité culturelle constatent trois fois plus de décès liés à la COVID-19 que les quartiers ayant une moins grande diversité culturelle. De plus, les gens vivant dans ces quartiers sont plus susceptibles d’être hospitalisés ou admis à une unité de soins intensifs, et leur décès, deux fois plus élevés. »
— Suzanne Obiorah
Les Canadiens de race noire sont fréquemment victimes de racisme systémique dans les établissements de soins de santé, ce qui veut dire que les besoins en matière de santé mentale et physique de plusieurs Africains, Antillais et Noirs ne sont pas comblés. Cela fait peser un lourd fardeau sur les communautés noires, exacerbant encore plus les problèmes de santé mentale, l’isolement social et les luttes silencieuses.
Les données fondées sur la race sont essentielles en ce moment. Grâce aux données actuelles, nous savons que les premières données dépeignent les inégalités auxquelles les PANDC font face au quotidien, exacerbées en situation de pandémie.
Les défis que nous devons relever pendant la COVID-19 ne sont que la pointe de l’iceberg du travail accompli par notre secteur et notre pays lorsque vient le temps de mettre fin au racisme systémique.
Soutien des communautés autochtones pendant la COVID-19
Les personnes autochtones nécessitent du soutien et des services uniques, différents de ceux recherchés par les autres groupes vulnérables, racialisés ou visés par l’équité, particulièrement en raison de l’histoire canadienne et des répercussions intergénérationnelles continues de la colonisation, événement qui a engendré des traumatismes individuels et collectifs.
Dans notre région, l’itinérance est l’un des enjeux les plus importants auxquels les personnes autochtones doivent faire face.
« La population autochtone représente 2,5 % de la population totale d’Ottawa. Toutefois, 24 % de la population vivant dans l’itinérance se considère autochtone; la majeure partie d’entre elle étant des adolescents et de jeunes adultes célibataires. »
Rapport sur l’itinérance à Ottawa de la Ville d’Ottawa (2018 Point-in-Time Count)
Bien que le dénombrement ponctuel de 2018 (en anglais seulement) indique que 24 % de la population d’Ottawa en situation d’itinérance s’identifie comme Autochtone, Karen Green, de l’Ottawa Aboriginal Coalition (OAC), fait remarquer que les données sur les Autochtones sont souvent sous-dénombrées.
L’OAC a toujours affirmé que le dénombrement ponctuel sous-estime le nombre d’Autochtones en situation d’itinérance et affirme que les Autochtones représentent au moins 30 % de la population autochtone à Ottawa, le pourcentage réel étant probablement beaucoup plus élevé que cela.
Combler les besoins de base des personnes itinérantes pendant la COVID-19, soit de donner accès aux salles de bain et aux douches, s’est avéré difficile. Karen a ajouté que sans accès aux centres spécialisés en matière de toxicomanie, aux services de soutien et à un logement, les personnes itinérantes sont plus susceptibles de rechuter ou de faire une surdose. De plus, leurs besoins en matière de santé mentale continuent d’augmenter.
Plusieurs personnes autochtones vivant dans l’itinérance évitent les refuges, car ils ne tiennent pas souvent compte de leurs besoins culturels uniques. Ainsi, les personnes autochtones itinérantes trouvent refuge ou campent dans des endroits encore plus isolés et précaires. Il est alors plus difficile d’entrer en contact avec eux pour leur livrer de la nourriture et répondre à leurs besoins fondamentaux.
Depuis le début de la pandémie, organismes dirigés par des peuples autochtones ont reçu peu de subventions et de ressources pour continuer d’offrir leurs services en situation de crise. Par conséquent, des organismes comme le Minwaashin Lodge et le Wabano Centre for Aboriginal Health ont dû innover pour aider les personnes autochtones vivant en milieu urbain à demeurer en bonne santé et en sécurité, ainsi qu’à se nourrir du mieux qu’elles peuvent, malgré l’absence de ressources financières pour le faire.
Les personnes autochtones au Canada ont été victimes de racisme systémique, de colonialisme et de violence raciale depuis des siècles. Nous devons collaborer pour offrir des services culturellement appropriés, pendant la pandémie et après celle-ci, pour nous assurer de combler tous les besoins en matière de santé de nos communautés, notamment s’il s’agit de besoins fondamentaux, de mesures de sécurité physique et de sûreté, ou de santé mentale.
Géographie de l’inégalité
Des outils, comme le Neighbourhood Equity Index (NEI) du Conseil de planification sociale d’Ottawa, permet de mieux comprendre les défis auxquels les gens font face.
En utilisant une analyse axée sur les lieux, le NEI évalue l’effet de proximité, une étude expliquant l’accès inéquitable aux aménagements et aux services de santé et de développement sain. Celui-ci mesure comment les quartiers se portent en fonction des 28 indicateurs des cinq domaines de bien-être suivant : situation économique, santé, développement social, environnement physique et appartenance à la communauté.
L’outil permettra au groupe de discussion, ainsi qu’aux groupes communautaires, aux organismes et aux responsables politiques de cibler efforts et ressources pour répondre aux besoins les plus importants, et ce, en ayant l’effet le plus palpable.
Bonnes données plus importantes que jamais pendant la pandémie
Nous réalisons, en prenant en compte tous les aspects que nos communautés envisagent pendant la pandémie, que nous devons plus que jamais avoir accès à des données exhaustives et à jour. Une partie de cette nécessité? Effectuer la recherche nécessaire pour examiner de près les répercussions de la COVID-19 sur les communautés marginalisées.
En ce moment, Santé publique Ottawa recueille des renseignements sur l’état de santé des habitants de notre ville en effectuant des vérifications de bien-être, comme l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Toutefois, si nous ne portons pas une attention particulière aux données fondées sur la race (ou ne les recueillons pas), les agences et les groupes communautaires qui servent les communautés PANDC et les autres groupes marginalisés ne peuvent pas les utiliser pour promouvoir les services dont ils ont besoin.
Nous devons aussi porter une attention particulière à l’expérience des membres de notre communauté.
« Il ne faut pas s’arrêter aux chiffres : vous devez avoir de l’expérience et des données qualitatives pour bien les comprendre. »
— Dre Vera Etches
La Ville d’Ottawa a récemment établi un secrétariat de lutte contre le racisme, dirigé par le conseiller Rawlson King. Ce secrétariat servira également à titre de ressource essentielle pour mieux servir les groupes racialisés d’Ottawa.
« En 2015, la ville (d’Ottawa) a adopté des politiques en matière de diversité et d’inclusion. Toutefois, nous n’avons pas les mécanismes nécessaires pour les mesurer effectivement. Si nous ne les mesurons pas, nous ne pouvons pas faire de suivi, ni déterminer leur efficacité. »
— Conseiller Rawlson King
En recueillant attentivement et respectueusement des données fondées sur la race, nous pouvons mieux évaluer les inégalités communautaires et aviser les divers ordres de gouvernement de sorte à guider le changement.
Chemin vers la résilience
Bien qu’il reste beaucoup de travail à faire, le chemin vers la résilience est pavé d’organismes de base qui rehaussent la voix, l’histoire et le vécu des diverses communautés servies, puis qui sont au cœur de celles-ci.
Par conséquent, le groupe de discussion communautaire en réaction à la COVID-19 s’est donné pour priorité d’inclure, voire de collaborer, avec les organismes communautaires qui travaillent fort au quotidien pour corriger les inégalités de notre communauté. Cela nous aidera à relever des défis ensemble, puis à trouver des solutions novatrices qui seront envisagées à long terme pour améliorer nos communautés, longtemps après la fin de la pandémie.
L’innovation et la collaboration sans précédent du secteur nous donnent déjà des résultats concrets.
En voici un exemple : La Maison communautaire Britannia Woods a lancé une ligne d’entraide soutenant les interventions rapides pour les personnes noires et racialisées, financée par la Fondation communautaire d’Ottawa. Celle-ci est culturellement adaptée aux besoins sociaux et émotifs des personnes noires et racialisées. Elle sert les membres de la communauté qui n’ont pas accès aux ressources d’une maison communautaire type en raison de la COVID-19; ces gens sont plus isolés, plus désespérés et qui ont un plus gros fardeau à titre d’aidant naturel.
Les services adaptés aux différences culturelles comprennent les suivants : reconnaissance du vécu, injustices avant la pandémie et pressions uniques que les personnes de couleur doivent actuellement naviguer. Grâce à ces approches, les communautés racialisées peuvent avoir accès à des services offerts par des professionnels qui partagent des expériences semblables, puis qui perçoivent et relèvent les nuances culturelles. La ligne d’entraide téléphonique embauche des employés au profil linguistique et culturel diversifié. Ceux-ci offrent des services en anglais, en français, en arabe, en swahili, en somalien et en lingala. Ainsi, ils ont de meilleurs liens avec les communautés noires d’Ottawa, et peuvent mieux les sensibiliser.
« C’est facile d’être résilient lorsqu’on a du soutien approprié, un soutien structurel en place. »
— Faduma Yusuf, directrice générale de la Maison communautaire Britannia Woods
Futur
À mesure que nous adressons ces défis après le pic de la pandémie, nous devons continuer d’évaluer nos efforts et continuer d’offrir une réponse de qualité à mesure que nous continuons de mener à bien ces enjeux au cours des prochains mois.
Nous devons nous concentrer sur les communautés racialisées et marginalisées et les aider pendant la pandémie et dans le futur. Nous avons pour mission de collaborer et d’utiliser les ressources de façons créatives et efficaces pour combler les besoins les plus pressants, maintenant et à l’avenir.
Au début du mois de mars, Centraide de l’Est de l’Ontario, en partenariat avec Santé publique Ottawa et des douzaines d’organismes du secteur communautaire, a lancé une initiative visant à aider les personnes les plus vulnérables pendant la pandémie de la COVID-19 qui afflige notre région. Ce partenariat nous a permis de résoudre des problèmes locaux, de prioriser les besoins et surtout, de collaborer. Pour en apprendre plus sur les façons d’appuyer l’initiative ou pour obtenir de l’aide de services communautaires, consultez le centraideeocovid19.ca/.