À Ottawa, plusieurs jeunes souffrent de détresse émotionnelle, comme la dépression, l’anxiété ou même l’isolement. C’est pourquoi nos partenaires communautaires et nous investissons dans des programmes qui réduisent ce que nous appelons « des résultats défavorables dans la vie », soit des problèmes de santé mentale, des inégalités socioéconomiques ou des modes de vie malsains par la suite. En investissant ensemble dans la petite enfance, nous répondons à leurs besoins immédiats tout en jetant les bases de leur réussite de demain.
Il est essentiel de travailler ensemble pour nous assurer d’appuyer le développement sain de la petite enfance.
Par Paul Steeves,Gestionnaire principal, évaluation et analyse, Centraide Ottawa; et Paula Quig, Chercheuse, Initiatives communautaires, Centraide Ottawa.
À ce moment, la plupart des enfants d’Ottawa se sont installés dans la routine scolaire après les vacances d’hiver. Ils se retrouvent en salles de classe, enthousiastes et prêts à apprendre. Toutefois, pour certains, l’apprentissage et la réussite scolaire s’avèrent difficiles.
De nombreuses raisons expliquent une telle difficulté et l’une d’elles est une malheureuse réalité : bon nombre d’enfants à Ottawa luttent contre le stress toxique, stress qui a des effets néfastes sur l’apprentissage, le comportement, ainsi que la santé physique et mentale à long terme.
Cependant, avec des stratégies appropriées d’intervention et de prévention précoces, nos partenaires et nous jouons un rôle essentiel dans la réduction, voire la prévention, des incidences à long terme du stress toxique.
Qu’est-ce que le stress toxique?
Nous ressentons tous un certain stress dans notre vie. Heureusement, ce ne sont pas tous les types de stress qui sont mauvais pour nous.
Le stress positif, comme celui ressenti lorsque nous rencontrons de nouvelles personnes ou lors de notre première journée d’école, est en fait essentiel au développement de l’enfant. La réaction déclenchée par un stress positif est généralement modérée et de courte durée. Dans de telles situations, lorsque nous appuyons affectivement des enfants en les rassurant et en les protégeant, ils acquièrent une résilience, ce qui les aide plus tard dans la vie.[i],/sup>
Le stress tolérable, comme celui ressenti lorsque nous sommes endeuillés, est un type de stress plus grave. Heureusement, le cerveau d’un enfant se remet habituellement d’un tel genre de stress s’ils sont outillés de relations saines et de bons soutiens social et émotionnel.[ii]
Le stress toxique est différent. Il est déclenché par des situations d’abus, de négligence, de pauvreté extrême, de violence, de dysfonction familiale et de pénurie alimentaire[iii]. De telles situations peuvent nuire à la santé mentale et physique à long terme.
Nous ressentons le stress toxique lorsqu’il y a activation prolongée de la réaction au stress. Dans une situation de stress toxique, il y a manque de soutien à l’aidant, de réassurance et d’attachement affectif, éléments qui empêchent l’effet tampon de la réponse au stress et le retour des fonctions normales du corps.
Pourquoi le stress toxique est-il si nocif pour la petite enfance?
La recherche médicale a démontré que les facteurs précoces toxiques, plus particulièrement ceux que nous ressentons les dix premières années de notre vie, accroissent la vulnérabilité des enfants comme un mode de vie malsain, des inégalités socioéconomiques et une mauvaise santé physique et mentale. Les preuves avancent aussi que le stress toxique ressenti pendant la petite enfance peut engager des changements permanents dans le cerveau.[iv]
La période séparant la naissance et le sixième anniversaire d’un enfant est décisive dans son développement à long terme. En fait, pendant ces années clés, le cerveau de nourrisson triple sa taille à mesure que les connexions cérébrales se forment.[v]
Le stress toxique a sans aucun doute une incidence énorme. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir des stratégies d’intervention et de prévention précoces pour minimiser les répercussions sérieuses à long terme.
Dans quelle mesure les jeunes enfants d’Ottawa sont-ils vulnérables?
L’instrument de mesure du développement de la petite enfance (IMDPE) donne un aperçu de la santé et du bien-être de la cohorte de la maternelle dans cinq domaines qui affectent leur développement. Centraide utilise les données de l’IMDPE, de pair avec les données de l’Étude de quartiers d’Ottawa (ÉQO), pour mieux comprendre où les enfants les plus vulnérables d’Ottawa résident. Ainsi, nous pouvons considérer efficacement les besoins des enfants les plus vulnérables de notre ville.
Grâce à ces outils, nous savons que 25 % des jeunes enfants d’Ottawa sont vulnérables dans un ou plusieurs domaines affectant leur développement lorsqu’ils commencent l’école. Lorsque nous comparons Ottawa à la cote de base provinciale (résultats de l’IMDPE), nous constatons que nos enfants prennent beaucoup de retard dans deux domaines précis, soit l’aptitude sociale et la maturité affective.
C’est important, car la vulnérabilité dans ces deux domaines constitue un bon prédicateur de problèmes de santé mentale plus tard dans la vie.
Il devient encore plus critique d’appuyer les quartiers à faible revenu d’Ottawa, car ces domaines, combinés à un quartier à faible revenu, annoncent des résultats d’IMDPE encore plus défavorables.[vii]
Comment pouvons-nous travailler ensemble pour améliorer les résultats des enfants les plus vulnérables d’Ottawa?
Centraide a le privilège de voir le Dr Paul Roumeliotis, un fervent défenseur et champion du développement de la petite enfance, siéger au Conseil d’administration. Il partage ses réflexions sur l’importance des 18 premiers mois d’un enfant et des répercussions de ceux-ci sur le reste de sa vie.
Le message du Docteur Paul est clair : Au cours de la petite enfance, les fondements de la vie sont posés. C’Est pourquoi il est essentiel de travailler ensemble pour faire tout ce que nous pouvons pour appuyer le développement sain de la petite enfance.
À Ottawa, d’importants segments de la population jeune souffrent de détresse émotionnelle :
- Plus de 1 300 élèves à Ottawa, soit 4 %, disent avoir tenté de se suicider en 2017-2018. De plus, un étudiant de la 7e à la 12e année sur 9, soit 11 % des étudiants d’Ottawa, déclare avoir contemplé le suicide au cours de la dernière année.[viii]
- Depuis 2010, les consultations à l’urgence pour des problèmes de santé mentale au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) ont augmenté de 75 %.[ix]
- Plus de 50 % de la population itinérante à Ottawa ont signalé un diagnostic antérieur de problème de santé mentale.
De pair avec nos donateurs, nous aidons à créer des environnements encourageants, plus stables et stimulants où les enfants de notre ville peuvent grandir, s’épanouir et apprendre.
Voici comment nous le faisons :
- Des programmes de parentalité qui amélioreront le développement global des nourrissons et des enfants, ainsi que les relations affectives entre ceux-ci et leur mère.
- Des séances de groupe sur le rôle parental axées sur la recherche sur le développement du cerveau, des groupes interactifs ciblés pour les parents et les enfants, ainsi que des programmes de parentalité de groupe axés sur l’attachement et des interventions individuelles.
- Des programmes d’aptitudes sociales qui enseignent des techniques de maîtrise de la colère et des stratégies de résolution de problèmes.
- Des services d’aiguillage à des programmes d’éducation en matière d’intervention précoce chez les enfants, offerts dans des refuges, pour les parents et les familles. Ces programmes sont culturellement adaptés aux garderies, aux programmes parascolaires et aux programmes de sécurité alimentaire.
- Des services de soutien intensifs et individuels pour les parents et les familles qui vivent une situation de crise. Ces services comprennent un programme actif de rapprochement pour les familles à plus haut risque. Celui-ci aiguille les familles à d’autres services, les aidant ainsi à réduire les facteurs de stress socioéconomiques et psychosociaux.
Centraide collabore avec des groupes locaux remarquables qui vont au-delà des statistiques et qui discutent avec les experts de la région de ce qu’ils ont appris, de ce que cela signifie et de ce qu’ils devraient en faire. Parmi ces groupes, il y a :
- L’Étude de quartiers d’Ottawa (EQO), un projet mené par l’Université d’Ottawa qui fournit des données sur les forces et les défis des quartiers de notre ville. Cela permet à Centraide et aux organismes partenaires d’établir quels quartiers pourraient avoir besoin d’aide supplémentaire.
- Le Centre de ressources pour parents et ses coordonnateurs de l’analyse des données (CAD) offrent des services de soutien novateurs dans le domaine de la petite enfance en facilitant des activités de recherche, en effectuant le suivi des résultats des enfants et en améliorant la capacité liée à la planification axée sur les faits.
- L’initiative Mieux grandir à Ottawa travaille à créer une collectivité qui encourage les enfants et les jeunes à développer leur plein potentiel. Pour ce faire, elle établit des indicateurs qui permettent de déterminer si la situation s’améliore ou pas.
[i] Franke, H. A. (2014). Toxic Stress: Effects, Prevention and Treatment. Children (Basel, Switzerland). 1(3); 390-402. Center on the Developing Child, Harvard University. doi:10.3390/children1030390. Repéré à https://developingchild.harvard.edu/science/key-concepts/toxic-stress/. Consultez aussi Gunnar, M. R., Herrera, A. et Hostinar, C. E. (2009). Stress et développement précoce du cerveau. University of Minnesota, É.-U. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. Repéré à http://www.enfant-encyclopedie.com/cerveau/selon-experts/stress-et-developpement-precoce-du-cerveau.
[ii] Franke, H. A. (2014). Toxic Stress: Effects, Prevention and Treatment. Children (Basel, Switzerland). 1(3); 390-402. Center on the Developing Child, Harvard University. doi:10.3390/children1030390. Repéré à https://developingchild.harvard.edu/science/key-concepts/toxic-stress/.
[iii] Franke, H. A. (2014). Toxic Stress: Effects, Prevention and Treatment. Children (Basel, Switzerland). 1(3); 390-402. Center on the Developing Child, Harvard University. doi:10.3390/children1030390. Repéré à https://developingchild.harvard.edu/science/key-concepts/toxic-stress/.
[iv] Franke, H. A. (2014). Toxic Stress: Effects, Prevention and Treatment. Children (Basel, Switzerland). 1(3); 390-402. Center on the Developing Child, Harvard University. doi:10.3390/children1030390. Repéré à https://developingchild.harvard.edu/science/key-concepts/toxic-stress/. Consultez aussi National Scientific Council on the Developing Child. (2014). Excessive Stress Disrupts the Architecture of the Developing Brain: Working Paper 3. Repéré à http://www.developingchild.harvard.edu.
[v] Clinton, J., Kays-Burden, A., Carter, C., Bhasin, K., Cairney, J., Carrey, N., Janus, M., … Williams, R. (2014). Soutenir les esprits les plus jeunes de l’Ontario : Investir dans la santé mentale des enfants de moins de 6 ans. Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents. Repéré à http://www.excellenceforchildandyouth.ca/sites/default/files/resource/politiques_sommaire_premieres_annees.pdf.
[vi] Franke, H. A. (2014). Toxic Stress: Effects, Prevention and Treatment. Children (Basel, Switzerland). 1(3); 390-402. Center on the Developing Child, Harvard University. doi:10.3390/children1030390. Repéré à https://developingchild.harvard.edu/science/key-concepts/toxic-stress/. Consultez aussi l’ensemble des résultats : Centre for Disease Control and Prevention. (2016). CDC-Kaiser Permanente Adverse Childhood Experiences (ACE) Study. Repéré à https://www.cdc.gov/violenceprevention/acestudy/about.html.
[vii] Consultez aussi : Institut canadien d’information sur la santé. (2014). Enfants vulnérables dans certains domaines de la petite enfance : un déterminant de la santé des enfants (p. 8). Ottawa, Ontario. ISBN : 978-1-77109-312-5.
[viii] Notez aussi qu’en 2015, le Canada a été nommé l’un des cinq pays ayant le plus haut taux de suicide chez les adolescents (10 adolescents sur 100 000). Consultez : La base de données de l’OCDE sur la famille (2017). CO4.4 : Suicide chez les adolescents (15 à 19 ans). Organisation de coopération et de développement économiques. Repéré à http://www.oecd.org/els/family/CO_4_4_Teenage-Suicide.pdf).
[ix] Consultez : Institut canadien d’information sur la santé. (2018). La santé mentale des enfants et des jeunes au Canada – Infographie. Ottawa, Ontario. Repéré à https://www.cihi.ca/fr/la-sante-mentale-des-enfants-et-des-jeunes-au-canada-infographie. Il y est noté que de 2007-2008 à 2016-2017, les visites au service des urgences ont augmenté de 66 % et que les hospitalisations des enfants et des jeunes âgés de 5 à 24 ans pour des problèmes de santé mentale ont connu une hausse de 55 %. De façon plus générale, l’hospitalisation des enfants et des jeunes au Canada a connu une hausse vertigineuse de 90 % entre 2009 et 2014. Consultez : Institut canadien d’information sur la santé. (2014). Blessures auto-infligées et agressions chez les enfants et les jeunes : un examen approfondi. Ottawa, Ontario. Repéré à https://secure.cihi.ca/free_products/Public_Summary_Intentional_Injuries_FR.PDF