Au Canada, les personnes handicapées connaissent des taux d’emploi disproportionnellement bas, y compris celles qui détiennent des qualifications de niveau postsecondaire. De nombreuses personnes handicapées ont de la difficulté à intégrer le marché du travail après l’obtention de leur diplôme, tandis que celles qui y parviennent ont souvent du mal à décrocher un emploi stable qui correspond à leurs capacités.
Les répercussions de cette situation sont importantes. Les faibles taux d’emploi exposent ce segment démographique à un risque accru d’insécurité financière, à tel point qu’aujourd’hui, un Canadien sur quatre souffrant d’un handicap grave vit dans la pauvreté.
En 2019, nous avons décidé de mieux comprendre les facteurs qui contribuent à ces statistiques alarmantes. Nous analysons rigoureusement les données pour cerner et relever les défis systémiques touchant les diplômés handicapés dans l’est de l’Ontario.
Ce travail a abouti à la création de Amélioration des perspectives d’emploi pour les diplômés handicapés de niveau postsecondaire. Nous avons récemment discuté des conclusions de ce rapport avec Shannon Bruce, directrice des initiatives en matière d’emploi. Elle partage ici l’incidence de cette analyse et explique comment notre communauté peut collaborer pour faire une différence.
Pourquoi avez-vous élaboré ce rapport?
Centraide collabore depuis longtemps avec la communauté pour améliorer la participation au marché du travail et l’inclusion des personnes handicapées en milieu de travail. En effet, au cours des 10 dernières années, nous avons rassemblé, par l’entremise du Partenariat en accès, informations et ressources d’emploi (PAIRE), des douzaines de partenaires communautaires, d’employeurs et d’éducateurs dans le but d’atteindre un objectif commun, soit d’éliminer les obstacles à l’emploi auxquels les chercheurs handicapés font face.
En collaborant avec des établissements d’enseignement postsecondaire, nous pouvons mieux reconnaître les expériences difficiles et uniques que les diplômés handicapés de niveau postsecondaire doivent affronter. Nous avons également constaté une carence en ressources éducatives pour les employeurs, particulièrement dans ce domaine.
Nous savions également que les employeurs avaient de la difficulté à trouver les talents dont ils avaient besoin, mais nous ne comprenions pas pourquoi ceux-ci ne tiraient pas parti de ce bassin de talents virtuellement inexploité.
C’est pourquoi nous avons choisi de mieux comprendre cet enjeu communautaire, et les façons dont nous pouvons améliorer les résultats en matière d’emploi pour les diplômés handicapés.
Quelles sont certaines des principales conclusions du rapport?
Tout d’abord, les personnes handicapées commencent souvent à faire face à des obstacles à un jeune âge, soit bien avant leurs études postsecondaires. Les répercussions de ces obstacles sont cumulatives. Plusieurs familles ont de la difficulté à accéder aux services de psychologues et de médecins pour obtenir un diagnostic correct, ce qui mène à un manque de soutien.
À un jeune âge, certains des enfants qui pourraient autrement s’épanouir sont perçus comme des « enfants à problèmes » à un très jeune âge, et ce, même s’ils tirent parti des services de soutien appropriés. Ces élèves sont plus susceptibles de faire l’objet de mesures disciplinaires, ce qui les empêchent de se concentrer sur leurs études.
Les étudiants de niveau secondaire sont moins susceptibles de se forger des expériences professionnelles (stages coopératifs ou emplois après l’école) pendant leurs études. Ils ont ainsi moins d’expériences professionnelles que leurs homologues non handicapés lorsqu’ils obtiennent leur diplôme d’études secondaires.
Nous constatons une tendance semblable pour les étudiants de niveau postsecondaire : les étudiants handicapés ne participent pas souvent aux occasions d’apprentissage en milieu de travail, comme les stages coopératifs, les emplois d’été et les stages. Toutefois, sans une telle expérience, les employeurs ne les considèrent pas « prêts à l’emploi ».
Il existe encore plusieurs obstacles systémiques et liés aux attitudes en milieu de travail; ceux-ci peuvent empêcher les diplômés handicapés de trouver un emploi. Par exemple, le formatage de plusieurs avis de postes à pourvoir n’est pas accessible ou la description des tâches est étoffée. Ainsi, les chercheurs d’emploi qui choisissent de ne pas postuler pourraient rater une occasion qui correspond à leurs compétences.
Comment pouvons-nous combler les écarts de recherche en la matière?
Le secteur sait que les données sont essentielles lorsque vient le temps de raconter une histoire ou de comprendre les enjeux. C’est à ce moment que les bailleurs de fonds, les organismes de recherche et tous les ordres de gouvernement doivent unir leurs efforts et s’engager auprès de la communauté. Nous devons effectuer une recherche locale pour mieux comprendre comment cet enjeu affecte les diplômés handicapés de la région.
Pourquoi est-il important de reconnaître les intersections dans le contexte de ce rapport?
Nous avons parfois tendance à dire que les personnes handicapées (les diplômés handicapés dans ce cas-ci) constituent un groupe homogène. En réalité, toutes les expériences sont uniques. De plus, les personnes font partie de plusieurs groupes. Dans le contexte du présent rapport, nous estimions qu’il était important de mettre en évidence l’emploi auprès de divers groupes marginalisés et les occasions qui pourraient découler pour eux.
Comment la communauté peut-elle collaborer pour améliorer les choses dans le domaine?
Nous savons que les employeurs de notre communauté veulent les meilleurs talents pour leur effectif actuel et futur. Toutefois, ils pourraient passer à côté de personnes extraordinaires en raison de leurs pratiques de recrutement obsolètes et mal informées. Les employeurs doivent adresser les obstacles liés aux attitudes en milieu de travail, favoriser des environnements de travail inclusifs, et offrir des expériences de travail pendant les études.
Les éducateurs, eux, doivent adresser les écarts en matière de recherches et de données pour mieux comprendre les besoins des étudiants handicapés, d’un jeune âge aux études postsecondaires. Les enseignants et le personnel administratif doivent adresser les obstacles liés aux attitudes et les idées fausses, créer des environnements d’apprentissage qui répondent aux besoins des étudiants handicapés, et offrir des expériences de travail pendant les études.
Des organismes de recherche nous aideront à améliorer l’accès aux données locales axées sur les expériences des diplômés handicapés de niveau postsecondaire.
Les partenaires communautaires devront combler les écarts liés à la transition des études au marché du travail. Il s’agit de sources d’expertise, de connaissances et de ressources communautaires qui aident les diplômés handicapés à obtenir du soutien et à se préparer à leur carrière postuniversitaire.
Enfin, tous les ordres de gouvernement devront consulter les communautés locales et tirer parti de leurs connaissances, tant pour les enjeux liés au marché du travail local que pour les enjeux liés aux personnes handicapées. Ils feront partie intégrante de la création, de la planification, de la mise en œuvre et de l’évaluation des programmes offerts aux personnes handicapées et, plus particulièrement, les jeunes de l’effectif futur.
Qu’est-ce que Centraide compte faire?
Actif au sein de la communauté depuis les dix dernières années, le PAIRE cherche à améliorer les résultats en matière d’emploi pour les personnes handicapées. Depuis 2012, plus de 5 000 personnes handicapées ont obtenu un emploi par l’entremise du réseau.
Nous nous engageons à collaborer avec les établissements d’enseignement postsecondaire, des employeurs et la communauté pour comprendre les défis auxquels les diplômés de niveau postsecondaire font face et les besoins du marché du travail local.
Nous continuerons de mobiliser les connaissances et l’expertise de nos partenaires communautaires pour créer et animer des ateliers pour les employeurs. Ces employeurs pourront ainsi avoir des pratiques de recrutement et d’emploi plus inclusives et accessibles. Nous élaborons en même temps des ressources pour employeurs qui se concentrent sur les besoins des étudiants et des diplômés de niveau postsecondaire.
Nous nous engageons à poursuivre nos recherches pour mieux comprendre les lacunes en matière d’emploi des personnes handicapées dans les communautés de Prescott et Russell, d’Ottawa, ainsi que des comtés de Lanark et de Renfrew.
Nous continuerons de miser sur nos réseaux communautaires et d’obtenir des commentaires dans le but d’informer tous les ordres de gouvernement.