La reprise, lorsque d’importants événements météorologiques surviennent, c’est bien plus que de répondre aux besoins immédiats en nourriture et en hébergement. Pour ceux qui ont tant perdu, les pertes sont souvent à court et à long termes, et ont des éléments financiers, sociaux et émotifs à long terme.[i]
Centraide Ottawa s’engage à poursuivre son travail avec les partenaires de l’initiative Après la tempête, soit de définir les besoins et d’affecter les ressources de façon à appuyer notre communauté le plus efficacement possible, tant maintenant qu’à l’avenir.
Par Paul Steeves
Gestionnaire principal de la recherche et de l’évaluation des services communautaires et Paula Quig, Chercheuse des initiatives communautaires
Répercussions cachées des désastres
Les tornades qui ont fait rage dans notre région le 21 septembre dernier ont démoli des demeures, renversé des automobiles, abattu des lignes électriques, dévasté des entreprises et blessé grièvement plusieurs personnes. Certains étaient même en danger. Il s’agit du genre de ravages que les nouvelles et les médias sociaux ont couvert dans les heures et les jours qui ont suivi la tempête. Dans certains cas, la destruction s’est fait connaître de première main.
Toutefois, les dommages à long terme qui suivent une telle tempête sont moins visibles.
Il est dans notre nature de vouloir se concentrer davantage sur les besoins plus visibles à la suite d’un désastre naturel comme une tornade. En effet, nous cherchons immédiatement à obtenir de l’aide médicale d’urgence; à trouver les êtres qui nous sont chers; à s’assurer que les victimes ont de la nourriture et un refuge; à rétablir le courant; à nettoyer les débris; et à réparer les demeures et les immeubles qui peuvent être réhabilités.
Toutefois, ce n’est qu’avec le temps que nous pouvons évaluer l’ampleur réelle des dégâts causés par une tempête dévastatrice : les répercussions émotives et financières, puis la façon dont les communautés ont fondamentalement changé.
Ce n’est qu’avec le temps que nous pouvons rebâtir et véritablement nous rétablir.
Il s’agit de dommages qui prendront beaucoup plus de temps à réparer.
Nous savons que les gens qui ont subi un traumatisme (comme survivre à une tornade) connaissent une augmentation des troubles d’anxiété, de nervosité, de dépression, de panique et de stress post-traumatiques (TSPT)[ii] dans les semaines, voire les mois qui suivent un désastre naturel[iii].
Qui sont les gens les plus à risque? Comment?
Comment pouvons-nous aider dès maintenant et dans le futur? Qui a le plus besoin de notre aide?
Nous savons également que certains groupes sont particulièrement vulnérables à ces résultats. Nous constatons un taux de TSPT plus élevé à la suite d’un désastre naturel auprès des personnes les plus directement ou durement touchées par cette catastrophe[iv]. C’est notamment le cas des secouristes[v]; des femmes[vi]; des enfants et des jeunes[vii]; des personnes âgées[viii]; des personnes qui ont des conditions psychiatriques préexistantes ou reliées à une situation de crise[ix]; ainsi que ceux qui ont déjà été victimes d’une expérience traumatisante.[x] Des études ont également démontré que les personnes les plus à risque d’éprouver des symptômes de détresse psychologique après un désastre naturel comprennent les personnes et les familles vivant d’un faible revenu[xi].
Les désastres naturels comme des tornades entraînent, en plus de traumatismes émotifs et mentaux, des pertes pécuniaires et des niveaux de stress élevés chez les personnes et les familles, plus particulièrement s’ils éprouvent déjà des difficultés à joindre les deux bouts.
Une tornade peut détruire une maison entière en quelques instants, laissant ainsi des familles sans abri et en difficulté financière, et ce, parfois pendant des mois et des années. Même ceux qui ont des polices d’assurances couvrant les dommages causés à leur demeure et leurs biens personnels doivent engager des frais liés à la location temporaire d’un logement et constater une hausse de leurs primes d’assurances après les versements liés aux désastres.
Des entreprises entières peuvent être fortement endommagées, voire détruites. C’est pourquoi de telles pertes peuvent profondément changer la vie des gens qui se fient à ces entreprises pour subvenir à leurs besoins ou aider leur famille.
Il est important de pouvoir accéder facilement à des services de soutien émotif et social dans les semaines et les nombreux mois qui suivent un événement météorologique majeur.
Nous constatons un accroissement majeur du nombre de gens à la recherche de services en matière de santé mentale après un événement météorologique majeur comme une tornade. C’est ce que United Way of Central Oklahoma (Centraide du centre de l’Oklahoma) a remarqué, en 2013, lorsque plus de 20 000 personnes ont cherché à obtenir des services en matière de santé mentale après les tornades du mois de mai[xii].
Les services en matière de santé mentale ne sont pas seulement nécessaires dans les jours qui suivent une tornade. Dans plusieurs cas, des mois peuvent s’écouler avant que certains réalisent qu’ils souffrent d’un traumatisme émotif profond et qu’ils ont besoin d’aide.
Centraide Ottawa a créé une carte interactive. Elle permet de mettre en évidence les secteurs de réponse en cas de catastrophe identifiés par le gouvernement provincial; d’évaluer le nombre de personnes vulnérables pouvant être à risque; et de déterminer qui sont ces gens et où ils demeurent. Il ne s’agit pas uniquement d’une représentation importante des répercussions; la carte est aussi un outil qui nous aidera (ainsi que les partenaires de l’initiative Après la tempête) à déceler les besoins et à utiliser les ressources de façon à ce qu’elles aident le plus efficacement possible les gens de notre communauté.
Cliquez sur une image pour explorer la population de chaque zone en détail (Anglais seulement)
Quartiers changés à jamais
Les tornades qui se sont abattues dans la région ont transformé le paysage de quartiers dans leur ensemble.
C’est notamment le cas du secteur Arlington Woods, un quartier qui autrefois était une « forêt au milieu de la ville »[xiii]. Il a complètement été transformé : bon nombre des arbres qui ont attiré des gens à s’établir dans le secteur ont détruit des maisons. Dans les communautés de Dunrobin et de Kinburn, des demeures et des entreprises ont été détruites, ce qui a changé à tout jamais l’aspect et la convivialité de ces secteurs. Dans Greenboro, des maisons ont sévèrement été endommagées. Les résidents auront besoin de temps et d’argent pour effectuer les réparations.
La désolation devant ces pertes et les importants travaux de reconstruction et de revitalisation des communautés touchées par la tempête prendront du temps. Des services de soutien essentiels à long terme seront nécessaires pour les gens dans le besoin.
Résilience : Tous pour un et un pour tous
Nous pouvons à présent constater l’exceptionnelle résilience des personnes et des communautés les plus touchées par la tempête. Nous avons entendu parler d’entraide entre voisins en ce moment des plus difficiles, et du bénévolat de parfaits étrangers qui souhaitaient aider dans une certaine mesure.
Les gens passent toutefois à autre chose, risque et tendance naturelle suivant le rétablissement du courant, la cueillette des débris et la satisfaction des besoins urgents. En repensant à ces histoires, nous nous disons que le travail est fait, que la vie quotidienne est rétablie et que tout va bien aller.
C’est peut-être vrai en temps et lieu. Toutefois, il faudra peut-être des mois ou des années pour y parvenir.
La réalité? L’ampleur réelle des conséquences mentales, financières et sociales d’un désastre naturel prend beaucoup plus de temps à être mise en lumière.[xiv]
La voie à suivre
Les répercussions à long terme d’une tornade se font ressentir longtemps après que les besoins immédiats en situation de crise sont comblés. C’est particulièrement le cas des personnes les plus vulnérables, comme les secouristes; les femmes; les enfants et les jeunes; les personnes âgées; les personnes qui ont des conditions psychiatriques préexistantes ou reliées à une situation de crise; ainsi que les personnes et les familles à faible revenu.
Les services sociaux et en matière de santé mentale offerts aux personnes et aux familles dans les prochains mois seront essentiels à la reprise à long terme, plus particulièrement pour ce qui est de reconstruire leur vie et leurs communautés.
[i] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews, 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813; Freedy, J.R.. (M.D., Ph.D.) et Simpson, W.M. (M.D.) (15 mars 2007). Disaster-Related Physical and Mental Health: A Role for the Family Physician. American Family Physician. 75(6), 841-846. Repéré à https://www.aafp.org/afp/2007/0315/p841.html.
[ii] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews, 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813; Madakasira, S., O’Brien, K.F. (Mai 1987). Acute posttraumatic stress disorder in victims of a natural disaster. Journal of Nervous and Mental Disease, 175(5), 286-290. Repéré à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3572380
[iii] La Greca, A. Silverman, W.K., Vernberg, E.M. et Prinstein M.J. (Août 1996). Symptoms of posttraumatic stress in children after Hurricane Andrew: a prospective study. Journal of Consulting and Clinical Psychology. 64(4), 712-723. Repéré à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8803361/; Freedy, J.R.. (M.D., Ph.D.), Simpson, W.M. (M.D.) (15 mars 2007). Disaster-Related Physical and Mental Health: A Role for the Family Physician. American Family Physician. 75(6), 841-846. Récupéré à https://www.aafp.org/afp/2007/0315/p841.html
[iv] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[v] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[vi] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[vii] Paul, L.A., Felton, J.W., Adams, A.W., Welsh, K., Miller, S. et Ruggiero, K.J. (Juin 2015). Mental Health Among Adolescents Exposed to a Tornado: The Influence of Social Support and its Interactions with Socio-Demographic Characteristics and Disaster Exposure. Journal of Traumatic Stress. 28(3), 232-239. Repéré à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4465037/ (L’auteur note que les jeunes sont plus particulièrement à risque de détresse post-traumatique, car ils sont moins équipés pour faire face aux désastres que les adultes, et ce, en raison de capacités d’adaptation moins développées, puis de ressources sociales et matérielles. Il cite l’article suivant : Garnefski, N., Legerstee, J., Kraaij, V., van den Kommer, T. et Teerds, J. (2002). Cognitive coping strategies and symptoms of depression and anxiety: A comparison between adolescents and adults. Journal of Adolescence. 25(6), 603-611. Repéré à http://psycnet.apa.org/record/2002-08514-004); Alonzo, B. (25 avril 2017). What Are the Long-Term Effects of Tornadoes? Sciencing. Repéré à https://sciencing.com/longterm-effects-tornadoes-12321830.html; Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813; La Greca, A., Silverman, W.K., Vernberg, E.M. et Prinstein, M.J. (Août 1996). Symptoms of posttraumatic stress in children after Hurricane Andrew: a prospective study. Journal of Consulting Clinial Psychology. 64(4): 712-23. Repéré à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8803361
[viii] Phifer, James F. (Septembre 1990). Psychological distress and somatic symptoms after natural disaster: Differential vulnerability among older adults. Psychology and Aging. 5(3), 412-420. Repéré à http://psycnet.apa.org/buy/1991-01336-001
[ix] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[x] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[xi] Galea, S., Nandi, A. et Vlahov, D. (1er juillet 2005). The Epidemiology of Post-Traumatic Stress Disorder after Disasters. Epidemiologic Reviews. 27(1), 78-91. Repéré à https://academic.oup.com/epirev/article/27/1/78/520813
[xii] United Way of Central Oklahoma. (Décembre 2016). Central Oklahoma Priorities: Mental Health and Substance Abuse. Vital Signs. 3(1), 1-30. Repéré à http://www.unitedwayokc.org/sites/default/files/files/REAL_Vital%20Signs%20Vol%203_Ed1%20heather.pdf
[xiii] Purdon, N. et Palleja, L.. (30 septembre 2018). ‘It’s like a personal injury’: Tornado takes emotional toll on Ottawa neighbourhood. CBC. Repéré à https://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/national-ottawa-gatineau-tornado-rebuild-arlington-woods-1.4820820
[xiv] Seabol, L.. (29 avril 2012). Disasters can have long-term mental impact. Repéré à https://www.tuscaloosanews.com/news/20120429/disasters-can-have-long-term-mental-impact; Freedy, J.R.. (M.D., Ph.D.), Simpson, W.M. (M.D.) (15 mars 2007). Disaster-Related Physical and Mental Health: A Role for the Family Physician. American Family Physician. 75(6), 841-846. Récupéré à https://www.aafp.org/afp/2007/0315/p841.html